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Prescription biennale : ce que l’assureur ne vous dit pas (et comment vous protéger)

  • TR
  • 21 sept.
  • 5 min de lecture

C’est une bombe à retardement méconnue de la plupart des assurés. La prescription biennale, ce délai de deux ans pour agir en justice, est l’arme favorite des assureurs pour refuser une indemnisation. Décryptage d’un mécanisme redoutable et des moyens de le désamorcer.


Qu'est-ce que la prescription biennale?


Imaginez que votre droit de réclamer une indemnisation après un sinistre ait une date de péremption. C’est exactement ça la prescription biennale.


💡 Il s’agit d’une règle juridique, gravée dans l'article L114-1 du Code des assurances, qui fixe à deux ans le délai maximum pour toute action en justice découlant d'un contrat d'assurance.

Ce délai est une exception notable au droit commun, où la plupart des actions civiles se prescrivent par cinq ans. Concrètement, cela signifie que passé ce court laps de temps, votre assureur peut légalement refuser de vous indemniser ou de répondre à votre contestation, même si votre demande est parfaitement légitime sur le fond. Cette règle s'applique à la quasi-totalité des litiges entre un assureur et son assuré: contestation d'indemnisation, demande de paiement, action en responsabilité contre la compagnie... tout y passe.


Le point de départ du délai : le premier piège


Le vrai casse-tête commence avec la question: à partir de quand ces deux années se décomptent-elles? Le texte de loi mentionne « l'événement qui y donne naissance ». Pour un sinistre classique comme un dégât des eaux ou un incendie, on pourrait croire qu'il s'agit simplement de la date du sinistre. C'est souvent le cas, mais la loi protège l'assuré qui n'aurait pas eu connaissance immédiate du dommage. Le délai ne court alors qu'à partir du jour où vous avez eu connaissance effective du sinistre, à condition de pouvoir prouver que vous l'ignoriez jusque-là.


La subtilité la plus importante concerne les assurances de responsabilité. Si un tiers (votre voisin par exemple) vous attaque en justice pour un dommage que vous avez causé, le délai de deux ans pour vous retourner contre votre propre assureur ne démarre qu'au jour où ce tiers a engagé son action en justice contre vous, et non au jour du dommage initial. C'est une protection fondamentale qui évite à l'assuré de perdre ses droits avant même de savoir qu'il en avait besoin.


Interrompre le chrono : les bouées de sauvetage de l’assuré


Heureusement, ce compte à rebours n'est pas une fatalité. Plusieurs actions permettent de l'interrompre, c'est-à-dire de remettre le compteur à zéro et de faire repartir un nouveau délai de deux ans.


👉 La plus simple et la plus connue est l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception à l'assureur. Attention, une simple déclaration de sinistre ne suffit pas; la lettre doit explicitement concerner le « règlement de l'indemnité ».

La désignation d'un expert après le sinistre, qu'il soit mandaté par vous ou par l'assureur, est également une cause d'interruption. Il faut distinguer ce mécanisme de la suspension. La suspension, elle, ne fait que mettre en pause le délai. Elle intervient notamment lorsqu'un juge ordonne une expertise judiciaire avant tout procès; le délai est alors gelé jusqu'au dépôt du rapport de l'expert, et il reprend ensuite là où il s'était arrêté pour une durée d'au moins six mois. C'est une nuance technique mais cruciale, car les simples pourparlers ou négociations avec le gestionnaire de votre dossier, eux, n'interrompent ni ne suspendent jamais rien.


L’obligation d’information de l’assureur : son talon d’Achille


C’est sans doute la parade la plus puissante et la plus méconnue des assurés. Pour que la prescription biennale puisse vous être opposée, votre assureur a l'obligation légale de la mentionner très clairement dans votre contrat.

Et la jurisprudence, c'est-à-dire les décisions des tribunaux, est devenue extrêmement sévère sur ce point. Un simple renvoi aux articles de loi ne suffit plus. La Cour de cassation exige que la police d'assurance rappelle de manière exhaustive non seulement le délai de deux ans, mais aussi ses différents points de départ possibles et la totalité des causes d'interruption, y compris celles du Code civil et celles spécifiques au Code des assurances.


Si une seule de ces mentions manque ou est incomplète - par exemple, l'oubli de mentionner l'envoi recommandé électronique comme cause d'interruption - la clause est considérée comme non écrite.


La conséquence est radicale: la prescription biennale devient « inopposable » à l'assuré. L'assureur ne peut plus s'en prévaloir pour refuser son dû, et c'est alors le délai de droit commun de cinq ans qui s'applique.


Je ne compte plus les dossiers arrivés sur mon bureau où des assurés, désemparés, s'apprêtaient à abandonner après avoir reçu une lettre de refus de leur compagnie d'assurance, une lettre bien propre sur elle avec la petite musique glaçante de l'article L114-1. On se sent bien petit dans ces moments-là. Et puis, on se plonge dans les 80 pages des conditions générales du contrat, ce document que personne ne lit jamais, et là... la magie opère. On trouve la faille. L'oubli d'une cause d'interruption, une formulation ambiguë. C'est un sentiment assez jubilatoire, je dois l'avouer, que de pouvoir répondre à l'assureur que sa propre arme, celle qu'il brandissait avec tant d'assurance, est en réalité déchargée. C'est la victoire du pot de terre, et c'est un peu pour ces moments-là qu'on fait ce métier.


👉 Naviguer dans ces méandres juridiques est une expertise. Face à un refus de garantie fondé sur la prescription, l’analyse d’un expert d’assuré peut révéler la faille qui changera l’issue de votre dossier. Avant d’accepter une décision qui vous semble injuste, un second avis est souvent salutaire. N'hésitez pas à contacter notre cabinet.

Est-ce que les négociations avec l'assureur interrompent la prescription?

Non, absolument pas. C'est l'un des pièges les plus courants. Les échanges de mails, les appels téléphoniques ou les discussions avec un gestionnaire ou un expert amiable ne stoppent pas le délai. Seuls les actes formels comme une lettre recommandée demandant le paiement, une assignation en justice ou la désignation officielle d'un expert peuvent interrompre la prescription.


Cette prescription de deux ans s'applique-t-elle à tous les contrats d'assurance?

Elle s'applique à la grande majorité des actions dérivant d'un contrat d'assurance, y compris pour la perte d'exploitation. Il existe cependant des exceptions notables. Pour les contrats d'assurance-vie, lorsque le bénéficiaire est une personne différente du souscripteur, le délai est porté à dix ans. Ce délai de dix ans s'applique aussi pour les bénéficiaires d'un assuré décédé dans le cadre d'une assurance contre les accidents corporels.


Que se passe-t-il si mon contrat ne mentionne pas du tout la prescription biennale?

Si votre contrat est totalement silencieux sur les règles de la prescription, alors l'assureur ne peut pas vous l'opposer. La jurisprudence est constante sur ce point. En l'absence de cette clause informative obligatoire, l'action de l'assuré n'est plus enfermée dans le délai de deux ans. C'est alors le délai de prescription de droit commun, fixé à cinq ans par le Code civil, qui a vocation à s'appliquer.

 
 

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