Perte d’exploitation : comment l’assurance tente de la minimiser (et comment un expert d’assuré peut rétablir l’équilibre)
- TR
- 21 sept.
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Dernière mise à jour : 22 sept.
Après un sinistre, le soulagement de voir les flammes éteintes ou l’eau pompée est souvent de courte durée. Pour l’entrepreneur, une seconde bataille commence, plus silencieuse mais tout aussi dévastatrice : celle de l’indemnisation de sa perte d’exploitation.
C'est quoi, au juste, la garantie perte d'exploitation?
Imaginez que votre outil de production - un atelier, un restaurant, un entrepôt - soit mis hors service par un incendie ou une inondation. Vous n'avez plus de chiffre d'affaires, mais vos charges fixes, elles, continuent de courir : les salaires, les loyers, les impôts, les remboursements de crédit... La garantie perte d'exploitation (souvent appelée PE dans le jargon) est précisément ce filet de sécurité financier. Son objectif est de vous replacer dans la situation économique qui aurait été la vôtre si le sinistre n'avait pas eu lieu, en compensant la perte de revenus et en couvrant ces frais permanents. C'est une sorte de respiration artificielle pour la trésorerie de l'entreprise, le temps que l'activité puisse redémarrer.
Les zones de friction ou comment l’assureur cherche à réduire la note
Sur le papier, le principe est simple. En pratique, l'indemnisation est un parcours semé d'embûches où chaque poste est sujet à discussion.
💡 L'assureur, par l'intermédiaire de son propre expert, a pour mission de chiffrer le préjudice. Et soyons clairs, son objectif est de défendre les intérêts de la compagnie d'assurance (pas les vôtres), ce qui implique une analyse rigoureuse et souvent restrictive des pertes.
Le premier levier est souvent le calcul de la marge brute, c’est-à-dire la différence entre le chiffre d’affaires et les charges qui varient avec l’activité (achats de matières premières, par exemple). C'est sur cette base que l'indemnité est calculée. L'expert de l'assurance va donc éplucher vos comptes pour identifier le maximum de charges "variables" qui viendront réduire cette fameuse marge.
Ensuite vient la question épineuse de la période d'indemnisation. Votre contrat prévoit 12 ou 24 mois? L'expert de l'assurance s'efforcera de démontrer que vous auriez pu redémarrer plus tôt, réduisant d'autant la durée de la couverture.
D'autres points de friction apparaissent systématiquement, comme l'application d'un taux de vétusté sur le matériel à remplacer, la contestation de la tendance de croissance de votre chiffre d'affaires d'avant-sinistre ou le refus de prendre en compte certains frais supplémentaires que vous avez dû engager pour limiter les dégâts.
L’expert d’assuré, ou le rééquilibrage indispensable des forces
Face à cet expert missionné par une compagnie d'assurance, l'entrepreneur se retrouve souvent seul et démuni. C'est ici que j'interviens. L'expert d'assuré, comme mon nom l'indique, est mandaté par l'assuré - et uniquement par lui - pour défendre ses intérêts.
Notre rôle est de rétablir un équilibre dans la discussion. Nous ne sommes pas là pour obtenir plus que ce qui est dû, mais pour nous assurer que l'assuré obtienne tout ce qui lui est dû, sans compromis. Notre travail commence par une contre-expertise complète. Nous reprenons le calcul de la marge brute en argumentant sur la nature réelle de chaque charge, nous justifions la période de reconstruction nécessaire en nous appuyant sur des devis et des plannings d'artisans, et nous établissons un chiffrage contradictoire et documenté de l'ensemble du préjudice.
Ce travail de fond nous permet de négocier d'égal à égal avec l'expert de la compagnie. Il ne s'agit plus de la parole d'un chef d'entreprise angoissé contre celle d'un technicien de l'assurance, mais d'un rapport d'expert contre un autre.
J'ai vu des patrons, des gens qui ont tout bâti de leurs mains, s'effondrer non pas à cause de l'incendie de leur usine, mais à cause du labyrinthe administratif et psychologique qui a suivi. On vous demande de prouver, de justifier, de négocier chaque centime alors que votre monde vient de s'écrouler. C'est une double peine. Il y a quelque chose de profondément injuste dans ce déséquilibre initial. L'assureur a des procédures, des experts, des juristes... L'assuré, lui, a son angoisse et ses classeurs comptables (quand ils n'ont pas brûlé).
Face à un sinistre, le premier réflexe est souvent la sidération. Le second devrait être la prudence. Avant d'accepter une offre qui vous semble sous-évaluée, ou simplement pour vous assurer que vos droits sont défendus avec la même rigueur que ceux de votre assureur, l'avis d'un expert indépendant est plus qu'une option, c'est une nécessité stratégique. Nous sommes là pour ça.
Quand faut-il faire appel à un expert d’assuré?
Le plus tôt possible après le sinistre. Idéalement, dès la déclaration à l'assurance et avant la première réunion avec l'expert de la compagnie. Cela permet de cadrer la discussion dès le départ, de mettre en place les bonnes mesures conservatoires et de s'assurer que le dossier est constitué de manière rigoureuse pour défendre au mieux vos intérêts.
Combien coûte un expert d’assuré?
Les honoraires sont généralement transparents et proportionnels à l'enjeu. Le plus souvent, ils correspondent à un pourcentage de l'indemnité totale obtenue. Il est important de noter que de nombreux contrats d'assurance multirisque professionnelle incluent une garantie "honoraires d'expert" qui prend en charge tout ou partie de nos frais. L'investissement est donc souvent minoré par cette garantie mais surtout largement compensé par le gain sur l'indemnisation finale.
L’expert de l’assurance n’est-il pas neutre?
Non, et c'est un point crucial à comprendre. L'expert missionné par la compagnie d'assurance est mandaté et rémunéré par elle. Sa mission, définie par son mandant, est d'évaluer le dommage dans le strict respect du contrat, ce qui inclut l'application de toutes les clauses limitatives (franchises, vétusté, exclusions). Il défend les intérêts de l'assureur. L'expert d'assuré, lui, est le seul à défendre exclusivement les vôtres.